Commune de Garango : Un conflit à double facettes

Publié le dimanche 14 mai 2017 à 23h04min

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Commune de Garango : Un conflit à double facettes

Le 20 février 2017, le député-maire de la commune de Garango, Jean-Célestin Zouré, adressait une correspondance aux chefs de circonscription de l’éducation de base (CCEB) de sa municipalité. Ladite note soulignait que les demandes d’établissement d’actes administratifs, notamment les certificats de prise de service, de non-logement, de cessation de service, doivent être désormais revêtus d’un timbre communal. Cette décision, que les travailleurs de l’éducation de base qualifient « d’autocratique et d’anti-démocratique », est à la base d’une crise dans la « cité des arachides ». Sit-in, fermeture de classes, interventions des forces de l’ordre, ont ponctué ce bras de fer entre les deux parties, jusqu’à la date du 21 avril 2017. Et si le conflit entre les deux camps est tu, un autre pourrait naître entre le maire et Haut-commissaire.

Pour le maire de la commune de Garango, c’est après avoir constaté une anomalie, que le conseil municipal a décidé de faire un rappel des textes. « Nous nous sommes rendus compte que de tous les fonctionnaires qui ont été transférés à la mairie, les enseignants, pour un certain nombre de dossiers, ne faisaient pas de demande, notamment pour leur certificat de prise de service », a situé Jean- Célestin Zouré.

A ce sujet, dit-il : « Ce n’est pas une innovation à Garango. Pour preuve, dans cette même commune, les agents de santé, quand ils font leur demande pour leur prise de service, ils timbrent leurs demandes en bonne et due forme ». C’est ainsi, poursuit-il, que les CCEB ont diffusé l’information et « les syndicats n’ont pas entendu la chose de pareille oreille, parce qu’ils disent que depuis des années, ils ne l’ont jamais fait. Nous leur avons opposé un argument de texte, on a sorti les dispositions du code de l’enregistrement et du timbre qui soulignent que toutes les demandes adressées aux autorités constituées, aux institutions, doivent être timbrées. Ils ont fait la sourde oreille et ils ont décidé d’engager le bras de fer ».

‘’La commune a besoin de ressources pour fonctionner’’

A en croire le syndicat national des travailleurs de l’éducation (SYNATEB), la fameuse note qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive leur est parvenue « un peu en retard, en début mars ». C’est ce qui ressort des propos du secrétaire général du SYNATEB, Issoufou Soulené. Pour lui, les actes administratifs sont de droit et ne doivent faire l’objet d’une quelconque demande. « Les actes cités, on les établissait auparavant sans demande », a-t-il souligné, confiant que le syndicat a sollicité une rencontre avec le maire le 14 mars 2017.

« Le 15 mars, le maire a reçu l’UAS. (…). Monsieur Zouré, s’appuyant sur le code fiscal, a signalé que sa commune a besoin de ressources financières pour fonctionner et que les agents publics qui sont sous sa responsabilité administrative, doivent se conformer à la dite correspondance », a affirmé Abdou Narcisse Guiébré, Secrétaire général (SG) de l’UAS de Garango. Et au SG du SYNATEB de souligner que les prix des timbres communaux, sont passés de 200 à 300 francs à Garango, depuis janvier 2017.

La hausse du prix du timbre étant également à l’ordre du jour, le SG du SYNATEB confie : « Le maire nous a fait savoir qu’il a consulté sa population qui a même suggéré d’envisager une hausse du prix du timbre de 400 ou 500 francs CFA. Si la population accepte de payer, nous ne voyons pas d’inconvénients pour le faire également (…). Nous ne voyons pas ici un problème de timbre », a déclaré Issoufou Soulené. Puis de poursuivre : « S’il y avait effectivement une demande à rédiger, il n’y avait pas de débat, mais il n’y a pas de demande pour obtenir ces actes ».

Le syndicat dit avoir adressé, à l’issue de cette audience infructueuse, une note au maire Jean-Célestin Zouré le 20 mars, lui exigeant d’annuler sa note. Mais, selon eux, le maire, depuis Ouagadougou, aurait dit à son secrétaire général de ne pas recevoir la lettre. Le maire, quant à lui, se justifie : « En mon absence, ils sont venus à la mairie, en manifestations, pour remettre du courrier au maire. J’ai fait demander s’ils avaient une autorisation de manifester et quand le secrétaire est sorti leur demander, ils ont dit qu’ils s’en foutent et là, j’ai été ferme, j’ai dit, mais s’ils s’en foutent de l’autorité, ils n’ont pas reçu d’autorisation, ils manifestent quand même, il n’y a pas de raison que l’autorité prenne leur correspondance ».

Après plusieurs tracasseries, un sit-in de 48 heures aura finalement lieu les 5 et 6 avril, mais il ne se tiendra pas au sein de la mairie. « Nous leur avons demandé de tenir leur sit-in à l’extérieur de la mairie. Là, ils ont forcé rentrer à l’intérieur de la mairie et nous avons dû faire appel aux forces de l’ordre qui n’ont pas réussi à les contenir » a indiqué le maire de Garango.

Il s’en suit alors une série de grèves dès le 14 avril 2017 et au regard des positions toujours tranchées, le haut-commissaire finit par initier un cadre de concertation avec les différents acteurs (le maire, la section provinciale du SYNATEB ; le directeur provincial de l’éducation nationale (DPENA) ; le directeur provincial des impôts).

Aux dires du syndicat, au cours de cette rencontre, le directeur provincial des impôts « a fait comprendre que l’article du code fiscal régulièrement cité par le maire ne s’applique qu’à l’administration déconcentrée de l’Etat, mais pas aux mairies. (…). Le texte précise que toute demande adressée à l’autorité déconcentrée doit être revêtue d’un timbre fiscal (pas communal) de 200 francs CFA », a tranché Abdou Narcisse Guiébré. Il renchérit : « Pour la part du DPENA, les actes administratifs (certificats de prise de service, de non- logement, administratifs, de cessation de service) ne font aucunement l’objet de demande. C’est sur la base des attestations délivrées par le supérieur hiérarchique de l’agent, envoyées par bordereau, que les certificats sont délivrées ». Cependant, cette rencontre n’a pas contribué à apaiser le climat.

Le Haut-commissaire annule la note du maire

Exigeant toujours l’annulation de la note du maire, Abdou Narcisse Guiébré indique que l’unité d’action syndicale, soutenue par les élèves, a organisé une marche sur la mairie le 21 avril. C’est au cours de cette marche, disent-ils, que : « plusieurs camarades ont été poursuivis dans leurs domiciles par la police, où ils ont subi des bastonnades sévères. (…). On enregistre plus d’une trentaine de blessés. Nous avons eu des évacués vers les hôpitaux », a déploré le SG de l’UAS. C’est dans la soirée de cette journée, que le haut-commissaire a signé une note, annulant la décision du maire. Ce qui ne semble pas convenir au maire Jean-Célestin Zouré.

Pour le maire de Garango : « Le haut-commissaire sait là où s’arrêtent ses prérogatives. Les dispositions du code général des collectivités territoriales disposent que le Haut-commissaire peut recadrer un maire quand il sort de la légalité. Dans ce contexte, ce n’est pas le cas, le maire a pris une circulaire pour rappeler aux agents, l’application d’une disposition de loi contenue dans le code de l’enregistrement du timbre ». Et de souligner que : « je me suis empressé d’engager un recours gracieux, lui demandant d’annuler son arrêté dans le délai réglementaire, autrement, je me pourvois devant le tribunal administratif, parce que j’estime aussi que ce qu’il a fait est illégal ».

En attendant, le mot d’ordre de grève du SYNATEB a été levé et les enseignants soutiennent avoir initié des cours de rattrapage pour sauver l’année scolaire. Notons que nous avons recueilli la version de l’édile de Garango et des acteurs de l’éducation sur cette crise, dans le cadre d’une tournée du ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (MENA) sur les infrastructures scolaires en construction ou en finition, dans la région du Centre-Est.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

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