Elections municipales à venir : Il y a tension à Béguédo, le Président du Faso appelé à la rescousse

Publié le lundi 17 avril 2017 à 11h33min

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Elections municipales à venir : Il y a tension à Béguédo, le Président du Faso appelé à la rescousse

Après le rendez-vous manqué du 22 mai 2016 pour situation délétère, la commune rurale de Béguédo dans la région du Centre-est, à l’instar de plusieurs autres, est appelée aux urnes le 28 mai 2017. Seulement, à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale, et trois jours après l’affichage de la liste électorale de la circonscription, des populations ont donné de la voix pour dénoncer l’« exclusion » de plus de 800 électeurs du processus ; une situation qui trouverait sa source dans la création de quatre nouveaux villages dans la commune. Après avoir noté une absence du gouvernement dans la recherche de solutions et la décision de la CENI qui va à l’encontre de leur attente, ces populations lancent un appel au Président du Faso, en tant que garant de la cohésion sociale, pour ramener l’ordre normal et permettre à tous les détenteurs de carte d’électeur de pouvoir accomplir leur acte de vote. C’était à travers une conférence de presse (aux allures d’un meeting) tenue ce samedi, 15 avril 2017 dans la commune de Béguédo.

La commune de Béguédo fait partie des trois circonscriptions électorales où n’ont pas pu se tenir le scrutin général du 22 mai 2016 (http://lefaso.net/spip.php?article71298). La décision de tenir des élections municipales partielles et complémentaires le 28 mai prochain est donc bien accueillie par les populations qui attendent, enfin, doter leur commune d’exécutif. Seulement, à Béguédo, les ingrédients qui ont conduit à l’annulation du scrutin au premier rendez-vous semblent demeurer. C’est ce qu’on retient de cette sortie de populations qui, trois après la publication de la liste, affirment être exclues du scrutin.

Que peut-on retenir de la situation dans la commune rurale de Béguédo ?

En 2014, des rumeurs font état de l’érection de quatre nouveaux villages (Diarra-Peulh, Gnitala, Kiéflé, Tombeyao) dans la commune de Béguédo (qui comptait jusque-là, cinq villages, y compris le chef-lieu). Les chefs coutumiers décident d’écrire aux autorités de la transition pour être situés sur le sujet. Le gouvernement confirme ce qui était jusque-là considéré comme rumeurs. Le nombre de villages passe ainsi de cinq à neuf. En 2015, la CENI procède à un nouvel enrôlement biométrique sur l’ensemble du territoire national dans la perspective du scrutin couplé (présidentiel et législatif) de novembre 2015. Ce processus va être brutalement interrompu dans ces villages par des populations qui contestent cette nouvelle donne (création des nouveaux villages). Mais, le scrutin du 29 novembre 2015 s’y déroule sans incidents.

En mars 2016, en prélude aux élections municipales de mai 2016, un « réajustement » des listes électorales est opéré dans ces villages. Les résultats (listes électorales) de cette opération sont contestés. Ce qui plonge la commune dans une situation de crise (des partis politiques en lice dénoncent soient des noms qui y figurent soit la non-prise en compte de certains de leurs militants). Finalement, la CENI va ‘’annuler’’ le scrutin dans cette commune.

Une violation de textes par l’administration, elle-même ?

Le Présidium de la conférence de presse

Pour les conférenciers du jour, la création même de ces villages (suscités) ne respecte pas les textes en la matière, notamment les conditions de distance entre villages (certains villages seraient confondus), le nombre d’habitants requis, etc. Certains des villages nouvellement érigés seraient en quelque sorte des sous-quartiers de villages existants et/ou portent atteinte à des lieux de cultes des coutumiers, sans que les « gardiens de la tradition » eux-mêmes soient consultés. Une situation qui jette les germes d’un avenir difficile, confie-t-on. « Ce sont les populations elles-mêmes qui demandent l’érection d’un village ; ce n’est pas l’émanation d’une autorité communale ou l’administration qui décident que tel endroit va s’ériger en village…. », affirme le porte-parole des populations mécontentes, Moussa Bara, par ailleurs ancien maire et candidat à ce scrutin. Or, poursuit-il, cela n’a pas été le cas ici. « C’est l’origine de la crise », situe le porte-parole des populations mécontentes. Il poursuit dans la genèse en expliquant que, face à l’opposition de la création de ces villages, et après plusieurs démarches entreprises par les coutumiers dans ce sens, le gouvernement de la transition avait finalement pris une note pour signifier que ces villages ne seront pas considérés comme circonscriptions électorales (bien qu’ils existent). En clair, le gouvernement de la transition, tout en se réservant de supprimer ces villages, va plutôt les « déclasser » afin de permettre la tenue des élections. La solution était qu’à l’issue du scrutin, la nouvelle équipe du Conseil municipal puisse décider du maintien ou non de ces villages.

La CENI incomprise dans sa décision

Pour le scrutin du 22 mai 2016, la CENI avait décidé d’aller avec le fichier de 2015 (au lieu de la liste réajustée de mars 2016). Or, soutient M. Bara, en partant avec le fichier de 2015, on exclut des électeurs qui ont régulièrement leur carte. Et ce, malgré la note du gouvernement de la transition. « Les villages en tant que tels demeurent. Mais, c’est le fait qu’ils soient des circonscriptions électorales qui posent problème. Donc, c’est le fait de repartir avec le fichier de 2015 et ne pas prendre en compte la décision de la transition qui pose problème », insiste Moussa Bara pour qui, la CENI, en revenant sur le fichier de 2015, devrait tenir compte de l’arrêté qui déclasse ces villages. « Si c’était le cas, il n’aurait pas crise. Mais, malgré l’arrêté de la transition, on a toujours considéré ces villages comme circonscriptions électorales et on veut leur affecter des conseillers », déplore le principal intervenant à la conférence de presse, Moussa Bara. Avec la publication de la liste le 12 avril dernier, ce sont plus 800 électeurs (sur environ 9400 électeurs) qui ne pourront pas prendre part au scrutin du 28 mai 2017, selon les conférenciers.

Le porte-parole des populations, Moussa BARA

Par cette sortie, les « populations exclues » du vote disent espérer que la CENI et le gouvernement « entendent raison » pour leur permettre de recouvrer leur droit. Ces populations s’interrogent sur la raison qui a prévalu au choix du fichier de 2015 plutôt que de retenir le plus récent, celui de mars 2016. De l’avis des intervenants, l’on pouvait maintenir les bureaux de vote dans les villages nouvellement crées, mais reverser les résultats et les conseillers à leur centre d’origine. « Dans une même famille, on a des gens qui ont leur carte d’électeur, qui vont effectivement voter tandis que d’autres en possèdent, mais ne pourront pas voter. Le hic est que ces populations savent qu’elles ont été recensées au même moment que des populations de seize autres villages (d’autres localités du pays) qui pourront, elles, voter. Mais, pourquoi elles, à Béguédo, ne voteront pas ? », déplore M. Bara qui qualifie cette situation de « changement de règles du jeu » en faveur d’un camp. Il ajoute que, même les inscrits sur le fichier de 2015, qui pourront prendre part à ce scrutin, ne sont pas contents de la situation (parce que leurs frères régulièrement inscrits ne pourront pas voter).

Les conférenciers déplorent que le gouvernement ne se soit pas impliqué suffisamment pour une sortie de crise, en rencontrant les populations sur la question. Pour celles-ci, la commune a assez souffert de la situation et il faut y mettre fin par des élections paisibles, inclusives. « Mais, si dès le départ il y a exclusion, il faut craindre... Donc, la CENI et le gouvernement doivent revenir sur leur décision en évitant les exclusions », lancent-elles, sollicitant le Président du Faso (en tant que garant de la cohésion sociale et de l’unité nationale) pour « peser de tout son poids pour faire entendre raison ».

Le doyen des responsables coutumiers

Pour le doyen des coutumiers, porte-parole de ces leaders communautaires, le maitre mot, c’est la recherche de la paix et de la cohésion sociale. Une délégation aurait été dépêchée auprès du préfet pour réaffirmer l’impératif de tenir ces élections dans la tranquillité. Pour la dizaine de coutumiers à la conférence, Béguédo n’a pas besoin de cette situation de troubles, parce que cela met la commune en retard et terni son image. D’où leur opposition à tout processus qui exclut des populations du vote.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

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